lundi 9 décembre 2013

Le Jardin Bizarre, Henri de Régnier

Le jardin bizarre est un des chapitres du livre d'Henri de Régnier (1864-1936) Esquisses vénitiennes, publié en 1906.
Bonne lecture!

Le jardin bizarre

 Ce n'est pas seulement une ville de marbre et d'eau. Elle a ses jardins, dont la verdure enclose prend je ne sais quoi de plus rare et de plus inattendu qu'ailleurs. Ils sont discrets et mystérieux, à l'abri des murs qui les protègent et n'en laissent dépasser que la cime d'un arbre ou la pointe d'un cyprès. Je ne les connais pas tous, ces jardins de Venise, mais j'en sais quelques-uns de délicieux. Il y a celui des Incurables, sur les Zattere, avec son long mur rouge égayé d'Amours joufflus dont l'un a une couronne et une barbe de glycines. Il y a le jardin Vendramin, qui regarde le Grand Canal à travers sa porte grillée. Il y a celui du Palais Venier, qui s'avance sur l'eau par sa double terrasse à balustres et qui est orné de deux figures rustiques et de ces corbeilles tressées où sont sculptés des fruits de pierre.

 Certains se cachent et se dissimulent plus sournoisement. Il faut les chercher à l'écart, parmi les détours de la ville inextricable, dans ses quartiers éloignés. Je me souviens d'un de ceux-là, dont je ne sais plus le nom, du côté de San-Sebastiano, habité de vieilles statues décrépites qui furent des héros et des dieux. Je crois, si je ferme les yeux, te revoir encore, toi, petit jardin à l'abandon du Palais Gradenigo, et vous, cher jardin du Palais Cappello!... J'y ai passé la fin d'une belle journée. Il est long et étroit et aboutit à une sorte de portique à colonnes palladiennes. De maigres fleurs parfumaient les plates-bandes et, dans l'une d'elles, un grenadier gonflait ses grenades, éclatées et mûres, et je m'y suis promené si lentement qu'il me semble y avoir vécu des années et des années...

 C'est le jardin de Venise que j'aimerais peut-être le mieux, si je ne lui préférais encore celui du Palais Dario, qui est exactement carré et que des allées partagent avec régularité. Des femmes engainées y supportent une treille: elles ont des figures grasses et joyeuses, de gros seins, des ventres larges dont le nombril est bien marqué dans le bois où elles sont taillées. Fièrement, elles soutiennent les ceps, les feuilles, les pampres, les grappes. Là-bas, une fontaine coule dans une cuve de marbre, et son bruit surcharge et semble faire déborder le silence auquel il s'ajoute, goutte à goutte.

Il y a bien d'autres jardins encore à Venise. Je n'oublierai jamais celui que dans la Giudecca on aperçoit, de la lagune, avec ses bosquets et ses cyprès. J'y ai pénétré une fois. Il est très grand et très silencieux et l'on y peut marcher longtemps. On y respire le vent de la mer; on a envie d'y penser tout haut et l'on y chanterait presque à voix basse, tandis que devant celui dont je vais vous parler, on se tait pour mieux en sentir la surprise. Oh! le jardin bizarre! En est-il de plus étrange et peut-être de plus mélancolique en sa vaste petitesse? Sa singularité égale sa complication. Il se compose de parterres symétriques, d'allées qui les terminent et d'innombrables petits vases d'où jaillissent des fleurs minuscules. Il est enfantin et éternel et il n'a point de saisons, parce qu'il est tout entier fait en verre, en verre de toutes les couleurs, - selon qu'il imite un gazon, une colonne, une rose ou une fontaine,- et c'est des yeux que l'on se promène dans sa ridicule et charmante merveille qui amuse maintenant les visiteurs du Musée, comme jadis, sur la table patricienne où il servait de surtout, il distrayait les regards des nobles dames de Venise par son artifice délicat, fragile et saugrenu.

pour en lire plus: Esquisses vénitiennes

mercredi 4 décembre 2013

Le Jardin de Palazzo Soranzo Cappello début décembre

Coordonnées: 45°26'22"N 12°19'26"E
 J'avais déjà parlé l'année dernière de ce beau jardin (les-jardins-de-palazzo-soranzo-cappello). J'y suis revenu ce matin. La lumière était magnifique. Les arbres avaient perdu leur feuillage. Seuls quelques arbustes dorés éclairés les zones d'ombres. Les deux kakis à l'entrée, croulés encore sous le poids de leurs fruits: une présence sympathique dont l'intense couleur orange réchauffée cette froide matinée d'hiver!
Un jardin à voir et à revoir sans modération et en toutes saisons...







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